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Dans ce centre commercial des Hauts-de-Seine, les toilettes publiques devenues payantes soulagent la clientèle

« Je ne savais même pas que ça existait ! » Daniel ne feint vraiment pas l’étonnement lorsqu’il apprend que des toilettes publiques se situent au niveau -1 des Passages. Il est pourtant un habitué du centre commercial de Boulogne-Billancourt, en tout cas de sa Fnac et de son rayon vinyles. « Après, moi, je ne viens pas pour visiter, hein, la musique, c’est sérieux », rigole-t-il ses galettes noires du jour sous le bras.
Malgré tout curieux, le quinquagénaire accepte d’aller jeter un œil aux commodités flambant neuves. Il y a quelques mois, le groupe Klépierre a décidé de prendre à bras-le-corps la question du confort des sanitaires du centre dont il est le propriétaire. « Longtemps, nos toilettes ont été l’irritant principal de notre clientèle », concède Julien Clemente Jodar, contacté par actu.

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« Avant, ça faisait limite coupe-gorge »

Le directeur du centre n’a pas besoin de s’étaler sur le sujet. Une employée de bureau qui file retrouver son poste de travail lâche : « Avant, ça faisait limite coupe-gorge. C’était sombre et ça sentait… ». Une femme un peu plus âgée qui s’occupe de personnes en perte d’autonomie dans les environs détaille : « Il y avait des feuilles de papier au sol, qui était mouillé, il n’y avait jamais assez de savon. Oui, c’était dégueulasse. »

Conscient de ses lacunes en matière d’accueil, et désireux de tenir son rang de leadeur européen des centres commerciaux, Klépierre a fait appel à One Hundred Restrooms, une entreprise néerlandaise dont c’est la première incursion en France et pour qui « chaque passage aux toilettes devrait constituer un moment de bien-être de cinq minutes, dans un environnement hygiénique et sûr », vante-t-elle sur son site Internet.

Le propriétaire, Klépierre, a décidé de travailler avec Hundred Restroom. C'est la première implantation en France de l'entreprise néerlandaise.
Le propriétaire, Klépierre, a décidé de travailler avec One Hundred Restroom. C’est la première implantation en France de l’entreprise néerlandaise. (©JB/actu Paris)

Testé et approuvé. Modernes, spacieuses, diffusant un agréable parfum comme une musique apaisante, les installations sont briquées dès l’ouverture du centre jusqu’à sa fermeture. Trois employés de la société Derichebourg s’y relaient toute la journée pour s’assurer ici que les pompes à savon sont remplies, là que les clients ne restent pas bloqués au tourniquet d’entrée. Car oui, pour accéder à ces toilettes VIP, il faut verser à l’heure actuelle la somme de 1 euro. En sont toutefois exemptés les enfants de moins de 7 ans et leur accompagnant, ainsi que pour les personnes enceintes et celles en situation de handicap, souligne Julien Clemente Jodar.

« Au début, les gens n’étaient pas contents »

Daniel, lui, maugrée : « C’est quand même un peu agaçant. J’ai payé pour mon stationnement, j’ai réglé mes achats et là, il faut aussi que je paie pour aller aux toilettes. » Une rengaine qu’il n’est pas le seul à avoir partagée. « Au début, les gens n’étaient pas contents », confirme rapidement un des employés de Derichebourg. Une Boulonnaise renchérit : « Que voulez-vous, ça fait toujours mal de payer, surtout pour un besoin élémentaire. Je pense en plus aux SDF, ou à certains malades chroniques. Même si ce n’est pas grand-chose finalement, 1 euro, et que ce doit être plus cher ailleurs, j’en suis certaine, c’est une question de principe. »

Dans un article de 20 Minutes, publié en novembre 2024 à l’occasion de la Journée mondiale des toilettes, Dominique Desjeux, anthropologue spécialiste de la consommation, expliquait ce ressenti : « Du côté du consommateur, les usages collectifs ne relèvent pas du privé : on peut marcher gratuitement dans les champs ou les forêts, se baigner gratuitement à la plage… Utiliser des toilettes est tellement vu comme général que ça choque de devoir payer. Et le fait de faire cohabiter toilettes publiques gratuites et payantes, notamment dans les villes comme Paris, renforce le sentiment d’indignation. »

Sentiment qui a déjà plané dans les Hauts-de-Seine. En mai 2021, après sa fermeture forcée due à la crise sanitaire, le centre commercial Westfield Les 4 Temps de Puteaux a lui aussi rendu payant l’accès aux toilettes. « Il y a des gens qui n’ont pas les moyens de payer c’est scandaleux. Ça doit être un service gratuit », protestait alors Monique auprès du site Défense92. « L’objectif, c’est d’améliorer la qualité globale et la prestation pour nos visiteurs », justifiait à l’époque Thibault Desmidt, le directeur du centre.

Modernes, spacieuses, diffusant une bonne odeur ainsi qu'une musique apaisante, les toilettes sont passées au peigne feigne par des employés de la société Derichebourg toute la journée.
Modernes, spacieuses, diffusant une bonne odeur ainsi qu’une musique apaisante, les toilettes sont passées au peigne feigne par des employés de la société Derichebourg toute la journée. (©JB/actu Paris)

« Un service cher doit être efficient »

Un argument qu’avance aujourd’hui de son côté Julien Clemente Jodar : « Déléguer cette prestation à un partenaire externe garantit un service de grande qualité et qui s’inscrit dans le positionnement du centre commercial Passages. Mais ce service impliquait une participation financière, qui est alignée en termes de tarifs sur la plupart des lieux publics. » Sociologue et auteur du livre Toilettes publiques, Essai sur les commodités urbaines (Presses De Sciences Po, 2023), Julien Damon relevait dans 20 Minutes que « rendre des toilettes payantes, ça ne sert pas uniquement à couvrir le coût de la maintenance, mais aussi à repousser les » indésirables « (..). Ce n’est pas qu’une question de morale, mais aussi une question publique : un service cher doit être efficient. En écartant les conduites inciviles, les toilettes sont plus aisément maintenues. »

Rappelons également qu’à Paris, les toilettes publiques ont été payantes jusqu’en 2006. Leur gratuité n’aurait pas incité davantage les Parisiens à les utiliser. En cause, selon le sociologue : la dégradation de leur confort et de leur hygiène…

À Boulogne, les protestations se sont frayées un chemin jusqu’aux oreilles du maire, Pierre-Christophe Baguet (LR), nous indiquait ce dernier il y a peu. Elles se sont finalement tues. Une jeune fille filant rapidement vers la sortie tranche : « Je m’en fiche de payer, le plus important, c’est que ça craigne plus et que ce soit propre. »

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